Mutante - Tome 1

Chapitre 27-4 : Oiseau noir

J'ouvris les yeux dans une sorte de béatitude. De prime abord,  je ne compris pas où j'étais. Puis la froideur des feuilles sous mes mains m'éclaira. J'étais manifestement allongée dans le feuillage, entre les arbres. Voyant flou, je me frottai les yeux par réflexe. 

Je jetai un coup d'œil à mes mains, et vis que mes veines étaient étonnamment visibles. Je me rappelai alors que j'avais – sans faire exprès – activé le fluide. Combien de temps s'était-t-il déroulé depuis ce moment ? Je jetai un coup d'œil à ma montre et vis qu'il était quasiment vingt heures. 

Bon sang, mais combien de temps avais-je dormi ? Je n'arrivai pas à savoir combien de temps j'avais utilisé le fluide, puisque le temps pendant lequel j'étais inconsciente dépendait de celui-ci. Et Zéphyr ? Mon Dieu, j'espérais que je ne lui avais rien fait ! 

J'avais l'impression d'être étouffée dans cette forêt, je me mis alors en quête de la sortie. Je m'étais complètement écartée du chemin, ça, aucun doute. Puis d'un seul coup, alors que je constatais les dégâts de ma course, des images me revinrent en tête. Pas celles qui avaient défilé, me faisant comme perdre la boule – ce qui était quasiment le cas. 

Non, c'était des images de mon... rêve ? Oui, était-ce un rêve, ou un souvenir ? Je respirai lentement et tentai de me remémorer ce rêve, appelons-le comme ça. Je revoyais la taille gigantesque du monstre – un Mutant, à n'en pas douter. 

Je me revis courir pour sauver ma vie. Et je le revis, lui. 

Qui était-ce ? Je tentai de me remémorer son visage, mais je n'y arrivai pas. Par contre, sa voix était toujours aussi présente. J'avais donc couru, comme il ne cessait de me le répéter. Et qu'avais-je crié à la fin ?

– Adam, murmurai-je.

Oui, c'était ça, Adam. Qui était-il donc ? Et ce souvenir, car c'était bien un souvenir, non ? Ce souvenir, donc, datait de quand ? Mon enlèvement. L'île d'Ewa ? Mais comment le savoir ? Si ça se trouvait, j'étais simplement en train de délirer, de m'inventer une vie pour combler le vide de ma mémoire. 

Rêve ou réalité ? 

Dit comme ça, ça semblait si facile à distinguer ! Mais c'était vraiment une autre histoire quand c'était à soi de faire la part des choses. Mais plus important, qui était ce garçon ? Adam, Adam, Adam. 

Ce prénom tournait en boucle dans ma tête, sans que je ne parvienne à mettre la main dessus. Tout en pensant à cela, je cherchais en vain le chemin qui traverse la forêt. Si j'étais perdue, j'allais avoir de sacrés ennuis. Mon ventre gargouilla pour protester.

– P'tin, où est le chemin ? pestai-je contre moi-même.

J'entendis soudain un craquement non loin de moi. Quelqu'un ? J'accourus vers le bruit, espérant que ce soit peut-être Zéphyr. Mais, pour mon plus grand malheur, il s'avéra que c'était un oiseau. Je pestai une nouvelle fois contre moi-même, et continuai d'avancer. 

Adam, Adam, Adam. Le prénom continuait de tourner dans ma tête. Je tentai de mettre un visage dessus, mais n'y arrivai pas. J'entendis un autre craquement de branche. Je pu bien distinguer qu'il venait d'en haut cette fois-ci. Je jetai un rapide coup d'œil pour voir l'oiseau qui s'était envolé. 

A ma plus grande surprise, je vis qu'un oiseau noir de jais, légèrement plus petit qu'un aigle, me regardait de ses yeux... rouges. Sans pupille. Et merde, ce n'était vraiment pas le moment de tomber sur un Mutant ! Je croyais que l'académie était sécurisée ! Puis je me rappelai le cours que Sawada nous avait donné en début de cycle.

– Hélios est protégée contre les Mutants avait-elle dit. Sauf un type de Mutant : les oiseaux. Je parle des petits oiseaux, les grands ne s'aventureraient jamais dans Hélios, ils seraient repérés et tués par les gardes qui observent Light en permanence. Mais certains petits oiseaux sont assez habiles pour se faufiler. Le cas de la manticore (en référence à mon agression contre ce Mutant) était une exception : la première et la dernière. Je disais donc, que les petits oiseaux parviennent, à certains moments, à se faufiler parmi les mailles du filet. Vous devez donc être particulièrement prudents lors de vos balades à l'extérieur. En général, tant que vous suivez le chemin il n'y a pas de soucis. Mais si vous décidez de vous enfoncer, alors attendez-vous à en croiser. Nous avons déjà vu certains élèves se faire mordre par un Mutant de type vol. Je vous préviens donc. Mais également, sachez que ces Mutants ne viennent quasiment que dans Hélios. Pourquoi me demanderez-vous ? Car le Giaco, ce pouvoir présent dans le sang des membres claniques, est hyper concentré ici. En effet, si l'âge d'intégration d'Hélios est de dix-huit ans, c'est parce que le Giaco ne se manifeste qu'à partir de vingt ans, au minimum. Beaucoup ici ont cet âge, la majorité même. Il est en effet plus sage d'attendre un peu et d'être sûr de pouvoir réussir. Bref, le Giaco a, un « marquage » plus fort. Regardez cette courbe.

Sawada nous avait montré une courbe grâce à une boule projecteur, ou quelque chose dans le genre. On voyait une droite monter, pour atteindre un pic puis redescendre un peu, pour enfin rester stable à un moment puis redescendre tout doucement. L'ordonnée était la concentration de pouvoir, l'abscisse l'âge.

– Vous pouvez donc voir l'évolution du Giaco, avait continué Sawada en désignant la courbe. Sa puissance ne cesse d'augmenter tout doucement, pour grimper d'un seul coup autour des 20-25 ans, descendre un peu, puis rester stable jusqu'aux 30-35 ans, pour enfin redescendre de plus en plus en vieillissant. Et puisque la plupart des gens ici ont au moins la vingtaine, la concentration de pouvoir en est beaucoup plus forte. C'est pour cette raison que le peu de Mutant qui arrive à entrer se dirigent directement ici. De plus, comme ce sont de petits Mutants, ils n'ont en général, pas la capacité de résister à l'attraction du Giaco.

Je me maudissais une nouvelle fois d'avoir perdu le chemin et regardai le Mutant. Il devait être de niveau 1 ou 2. Ce n'était pas comme la manticore, ou le gremlin. Mais à ces moments, j'avais Caligo. Bon c'était vrai, je ne savais pas vraiment m'en servir, et je n'avais pas non plus eu le temps de le faire avec le gremlin ! 

Mais là je n'avais aucune arme. Je tentai en vain d'activer le fluide pour avoir une chance de vaincre le Mutant, mais il ne vint pas. Je serrai les poings, prête à en découdre. Mais le Mutant fit quelque chose qui me surprit. Il ouvrit la bouche, me dévoilant deux belles canines et indiqua le nord. 

Je jetai un coup d'œil furtif à la direction désignée, mais ne vis rien. Je fronçai les sourcils, perdue. Je m'étais attendue à ce que le Mutant me saute dessus comme la manticore ou le gremlin, mais il continua de pousser des petits cris vers le nord. 

Était-il en train d'appeler des renforts ? La panique commença à me submerger, quand la créature bondit de sa branche et vola devant moi. Je me préparai à me défendre quand elle s'arrêta sur une autre branche, toujours vers le nord. Puis elle continua son chemin de branche en branche. Comme si elle me montrait la direction. 

Je suivis donc le Mutant, prudemment, toujours sur mes gardes. Il continua et au bout de plusieurs minutes de marche, j'aperçus le chemin. J'allai remercier le Mutant, mais il s'envola et je ne le vis plus. Puis j'entendis un cri. 

En fait, c'était mon prénom, crié par Zéphyr. Il atterrit soudain pas loin de moi, mon sac et Caligo avec lui. Je me dirigeai tout sourire vers lui, mais il recula, effrayé. Je ne compris ce geste que lorsque je me rendis compte qu'il était couvert d'éraflures plus ou moins profondes. 

Provoquées par des griffes, ou plutôt des serres.

***

Et voilà, fin du chapitre 27 ! Qu'en avez-vous pensé ? ^^ 

Et Adam, qui pensez vous que ce soit ? Comme d'habitude, ça me fait toujours super plaisir quand vous votez et commentez ^^

Avec les fêtes je ne peux pas garantir un chapitre mercredi prochain, mais ça devrait quand même pouvoir se faire ! 

Sur ce, Joyeux Noël à tous !