Chapitre 31-1 : Étoile de mer

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Lucy affichait d'énormes cernes. Elle avait essayé tant bien que mal de les cacher avec du fond de teint, le violacé se voyait comme le nez au milieu de la figure. Ses cheveux étaient complètement ramenés devant son visage, afin que personne ne s'en aperçoive. Mais sa mine fatiguée et blanchâtre n'échappait à quiconque possédant une vue correcte. 

Je lui avais demandé à plusieurs reprises ce qui n'allait pas, sans pouvoir obtenir gain de cause. La réponse devrait attendre, mais je ne comptais pas abandonner.

La dernière fois, mon cours particulier avec Miller s'était déroulé dans la joie et la bonne humeur. Non, vraiment nous avions travaillé les mouvements offensifs – enfin ! – avec beaucoup plus de précision. Il m'avait déclaré avoir terminé son enseignement concernant les mouvements défensifs. Mais il n'était toujours pas convaincu de commencer l'attaque, comme s'il attendait quelque chose. Ce que ça pouvait m'exaspérer cette mine qu'il prenait en me voyant attaquer !

– J'ai l'impression que tu n'as pas compris, répéta mon prof d'escrime une énième fois. Ce n'est pas de l'attaque que tu pratiques là, mais de la contre-attaque ! Tu attends que je t'agresse pour répondre, ça n'est pas ce que je te demande. Tu sais très bien attaquer à mains nues, alors pourquoi ne le fais-tu pas avec ton épée ?

Je voyais qu'il n'en pouvait plus de me voir louper mes coups d'assauts. Quand la cible était immobile, cela allait. Mais quand elle bougeait, je ne savais plus rien faire. Enfin, ce n'était pas ça. Je connaissais et maîtrisais à peu près les mouvements basiques d'attaque. Miller n'était pas suicidaire, il me les avaient appris avec les défensifs pour que je puisse un minimum remporter mes combats. 

Mais dès qu'il tentait de m'enseigner des techniques un peu plus élaborées, j'étais aux abonnés absents. Je n'arrivai pas à reproduire les mouvements qu'il me montrait, même si j'essayais de toutes mes forces.

– J'ai l'impression que tu ne maîtrises absolument pas Caligo, alors que ça fait deux mois que tu t'entraînes tous les jours avec ! Tu sais très bien reproduire les mouvements défensifs, mais pas les offensifs ! C'est à ni rien comprendre. C'est pour ça que je ne voulais pas t'enseigner les mouvements d'attaque dès le début, mais je pensais qu'en t'améliorant avec la défense, tu maîtriserais mieux l'attaque. C'était manifestement une erreur.

Oui, une erreur, on pouvait appeler cela comme ça. J'avais l'impression d'avoir une nouvelle arme entre les mains quand j'attaquais, que ce n'était plus Caligo.

Ma défense était terminée en termes de techniques. Il me restait à les parfaire, mais je maîtrisais la plupart des mouvements basiques avec précision. 

Miller tapota la chaise sur laquelle j'avais mis mes affaires pour m'inviter à m'asseoir. Nous nous trouvions dans la salle de sport, fréquentée par quelques dizaines d'élèves et professeurs particuliers. Il pleuvait, voire drachait, à l'extérieur, alors comme à chaque fois nous étions venus dans la salle de sport. J'avais l'impression de retrouver le nord de la France en songeant à ce mot. 

Cela me fit penser à ma mère, et j'eus un petit pincement au cœur. Il s'était déroulé seulement deux mois mais elle me manquait beaucoup. Nous n'avions jamais vraiment été séparées, et n'étant que deux dans la maison, nous étions très proches.

– Bon, essayons de voir ce qui cloche, m'annonça Miller.

Je m'installai sur la chaise et posai Caligo sur mes genoux. Miller croisa ses jambes et me regarda bien en face.

– Pourquoi attaques-tu comme cela avec Caligo ? Quand tu le fais à mains nues tu te débrouilles bien, alors pourquoi n'arrives-tu pas à faire la même chose avec Caligo ?

Mutante - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant