Chapitre 22-3 : Effrayée

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J'aurai pu gagner, mais au prix de voir mes yeux. Là, mon surnom de Mutante serait avéré, et on me regardait déjà assez bizarrement. Enfin, ce n'était que la partie la plus gentille. 

J'avais bien déjà imaginé les expériences atroces que je pourrai subir si cela venait à se savoir. Et ce n'était pas gentillet. Le choix était simple : gagner ou ne pas être vue ? 

J'avais choisi la deuxième option, tant pis si cela impliquait que je doive supporter encore plus les railleries et les moqueries de Cathleen et ses comparses. 

Il faut parfois laisser sa fierté de côté pour éviter les ennuis à l'avenir. Je tentai de m'en convaincre. Mais pour l'heure, ce n'était pas le plus important. 

Je restai le visage collé au sol, pourtant grâce au fluide toujours actif je pouvais voir tout autour de moi ce qu'il se passait. Et je vis mon professeur particulier s'approcher de l'entrée du ring.

Cathleen était elle, descendue, triomphante.

– Bien joué Cat ! entendis-je féliciter Marco. Il ne pouvait pas y avoir d'autre issue de toute façon, elle ne sait pas se battre !

Il avait fait exprès de le dire assez fort pour que je l'entende. Tout autour de moi, j'entendais les gens huer, comme quoi je n'avais même pas le courage de regarder mon adversaire dans les yeux. 

J'arrivai à percevoir le visage de Cathleen, elle attendait que je l'affronte du regard, mais je ne bougeais pas. Une douleur lancinante parcourait mon crâne. D'ailleurs, je ne savais même pas si j'avais le droit de rester sur le ring. 

Manifestement, l'arbitre comprit que quelque chose n'allait pas, et Miller lui demanda de me laisser quelques minutes. Lucy essaya de monter dans le ring, mais Miller lui interdit. Je ne pouvais que le remercier. 

Je ne voulais pas que ma meilleure amie me voit comme ça, comme... comme une Mutante. 

Ça me faisait mal de l'admettre, mais c'était bien ce qui m'arrivait. Mon mal de tête s'intensifiait chaque seconde, mais je l'ignorais un maximum. Je me concentrais pour faire disparaître le fluide, encore et encore.

J'entendis tous les gens alentours s'esclaffer, seuls mes amis restaient là sans bouger. Les groupes partirent au fur à mesure, allant regarder d'autres combats plus passionnants que ma défaite. 

Quand il n'y eut quasiment plus personne, Miller vint s'agenouiller à mes côtés.

– Amy, murmura Miller. Mets-toi en face de moi et cache-les avec tes cheveux.

Je fis ce qu'il m'avait dit et m'assis en tailleur devant lui, tête baissée avec mes cheveux sur les côtés. Je serrais les poings de rage. Si le fluide n'était pas venu, j'aurai pu gagner ! 

Mais je n'arrivai toujours pas à l'enlever, et ça c'était un sérieux problème. J'avais l'impression qu'on m'enfonçait un pieu dans la tête, et plus j'essayais de retirer le fluide, plus la sensation était forte. 

Les larmes commençaient à couler le long de mes joues. Je serrais des dents, complètement abattue et souffrante.

– Regarde-moi, chuchota Miller.

Je ne le fis pas. J'avais trop mal. Je tentais de penser à autre chose que la douleur et la honte, mais c'était trop dur. Miller me redemanda de nouveau de le regarder, ce que je fis finalement, après avoir pris une grande respiration et essuyé mes larmes. 

Je vis son visage trahir la surprise et la peur, lui faisant perdre son sang-froid. Mais il reprit vite ses esprits et me regarda droit dans les yeux, ce qui manifestement lui coûtait. 

Ma voix était à peine audible et rocailleuse.

– C'est comme le fluide ? Ou c'est autre chose ? me lamentai-je.

Ultime espoir qui me restait. Peut-être souffrais-je simplement d'une anomalie ? J'avais toujours un doute jusque là, puisque personne n'avait vu mes yeux pendant que j'utilisais le fluide. 

Mais... je vis l'expression sur le visage de Miller, et cela répondait à ma question. Oui, maintenant c'était une certitude, les Mutants avaient quelque chose à avoir avec moi. Quoi, je ne savais pas. 

Peut-être étais-je le premier cas d'humain qui se transforme en Mutant ? Je ne voulais pas y croire. J'avais déjà assez de particularités, je n'avais pas besoin de ça en plus ! Je tentai de souffler, chaque pensée menaçait de m'engloutir dans un tourbillon infernal. Un tourbillon de peur et de souffrance.

Je tentai de garder au mieux la tête froide, d'avoir des pensées rationnelles. Beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Une mutation... Mais pourquoi maintenant ? Il ne s'était rien passé pendant des millénaires, enfin à ce que l'on savait, alors pourquoi un humain se transformerait en Mutant maintenant ? 

Surtout que Miller m'avait certifié que ce n'était pas possible, et que de toute façon le fluide devait apparaître en dernier. Alors est-ce que c'était à cause de ce qu'avaient fait les scientifiques quand j'avais été enlevée ? 

De par mes cicatrices, il était plutôt logique de considérer qu'ils avaient fait des expériences sur mon corps. Alors m'auraient-ils implanté le fluide ? 

Cela paraissait peu probable, le fluide ce n'était pas comme un organe, c'était plutôt une capacité, à moins que... ce n'était effectivement qu'un organe ou une partie du corps qui aurait muté ? Toutes ces questions se posaient, et je savais que le seul moyen de trouver une réponse, c'était de retrouver ces scientifiques. 

Mais ils étaient tous morts, du moins c'était ce qu'avait dit ma mère. Mais s'ils s'étaient enfuis ? Ce serait tout à fait possible ! Mais comment savoir où et surtout, qui ? Je me rendais alors compte que j'avais énormément de questions et énormément de travail après l'académie. 

J'avais plusieurs pistes, et il me faudrait toutes les explorer. Je voulais tellement faire ça maintenant ! Mais pour l'heure, j'avais un problème plus grave. Miller continuait de me fixer, sans ciller.

Me perdre dans mes pensées m'avait permis d'ignorer un tant soi peu la douleur. 

Maintenant, tout me revenait en pleine figure.

– Amy, comment vois-tu autour de toi ? me demanda-t-il d'une voix presque inaudible.

Miller avait fait dégager le tour du ring pendant que j'étais plongée dans mes réflexions. Je voyais Lucy qui attendait à une dizaine de mètres, distance minimum pour qu'il n'y ait plus personne autour. 

J'essayai donc de décrire ce que je voyais. La douleur faisait vaciller parfois ma "vision".

– Je vois presque partout, commençais-je en chuchotant avec un voix rauque saturée de tremblements. Sauf derrière moi, sur quelques centimètres. Mais... j'ai mal. J'essaye d'arrêter le fluide, et cela me fait mal.

Je mettais mes mains sur ma tête, pour tenter de calmer la douleur. Mais rien n'y faisait. Elle avait arrêté de s'intensifier mais était toujours là. 

Miller posa doucement une main sur mon épaule, me faisant sursauter, et me dit d'arrêter de le stopper. De laisser le fluide faire ce qu'il avait à faire. Je n'étais pas convaincue, mais il insista lourdement, me persuadant que c'était la seule solution. 

Mais j'avais peur de perdre le contrôle. J'avais peur qu'il s'ancre encore plus profondément en moi. Je n'arrivai plus à contrôler mon corps et mon esprit comme je le voulais. 

J'avais peur que cela empire. J'étais effrayée. Trop effrayée. 

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now