Mutante - Tome 1

Chapitre 29-1 : Convictions

Nous étions en train de discuter de mon cas. Mon ego était enchanté que l'on ne se préoccupe que de moi. J'aurais quand même préféré que ce ne soit pas pour ce genre de choses. La mutation, tout ça. Quand je disais « nous », je parlais de Zéphyr, Lucy, Miller et moi-même. Assis dans la forêt, sur de vieilles souches, nous étions penchés en avant depuis un moment, concentrés. 

Le sérieux de cette conversation était presque risible, j'étais à bout de nerfs. Ce dont on parlait ne nous réjouissait guère. Nous avions discuté de la possibilité des Mutants « gentils » et, de celui qui m'avait indiqué le chemin. Aussi du fait que je retrouvais peu à peu mes souvenirs. Même si ce n'était que pendant mes rêves, les traces laissées dans ma mémoire étaient presque indélébiles. 

Miller aussi, venant d'un endroit peu aisé – disons le comme ça – ne croyait pas tous ce que disaient les Lumen Master. Il était naturellement méfiant, et je le comprenais parfaitement. Le fait d'avoir vécue pendant dix-huit ans sans avoir connaissance des Clans me donnait un certain recul, comparé à mes amis. Et puis, j'étais bien obligée d'en avoir avec tous les événements qui m'arrivaient, même si à mon goût je trouvais que j'en manquais cruellement.

– A ce propos, annonça Miller, j'ai un ami qui vient de rentrer d'une mission de trois ans. Il a été nommé Lumen Warrior niveau 5 il n'y a pas longtemps. Il déclame à qui veut l'entendre que la plupart des Mutants sont inoffensifs. Que certains aident même les Lumières, et qu'il en aurait croisé plusieurs comme cela pendant sa mission. J'avais cru que rester en mouvement loin de la civilisation pendant trois ans l'avait rendu un peu maboule, maintenant je commence à croire ce qu'il dit. Et certains comportements ou situations auxquelles j'ai fais face s'expliquent désormais.

– Mais si des Mutants pouvaient nous aider, il en resterait des traces, non ? objecta Lucy, la plus sceptique d'entre nous à ce sujet. Dans les livres, où autres. Ça me paraît assez improbable.

– Ne disons pas que l'exception confirme la règle ? contredit Zéphyr, grattant sa barbe naissante.

– Ça me paraît quand même improbable, répliqua Lucy en croisant les bras. Ça se saurait facilement. Nous sommes en démocratie, n'importe qui aurait pu dire cela. Pourtant nous n'en avons jamais entendu parler.

– Parce que nous attaquons les Mutants, rétorquai-je. Dès que nous en voyons un, nous essayons de le tuer. La plupart des missions des Lumen (ce qui regroupe les Lumen Learner – nous les étudiants – Lumen Warrior et Lumen Master) consiste en la destruction d'un ou plusieurs Mutants. Est-ce que les Lumen demandent l'avis des Mutants avant ? Il est bien dit que certains Mutants ne font rien tant qu'on les laisse tranquille.

– Mais que d'autres attaquent souvent, assoiffés de pouvoir, compléta Zéphyr en écarquillant les yeux.

– Comme l'être humain, intervint Miller. La plupart des guerres ont lieu à cause d'une soif de territoire, de pouvoir... Finalement, nous ne sommes pas bien différents des Mutants. Et puis démocratie ne signifie pas toujours liberté d'expression. Les rumeurs sur des gens descendus de grade, ou payés pour leurs silences ne sont pas si rares. Malheureusement. 

Pas différents des Mutants ? songeais-je. C'était peut-être vrai. Ils ne cherchaient qu'à survivre, comme tout individu. Et si je me transformais... peut être serais-je inoffensive ? Comme l'ababil d'il y a quelques jours ? Ce serait tellement bien. Cela m'allégea, et me mit du baume au cœur. Je redressai mon dos, soudainement plus confiante envers l'avenir. C'était fou comment quelques paroles pouvaient nous soulager.

Mais est-ce que mon apparence physique changerait au point de ne plus pouvoir être parmi mes amis, où des humains en général ? L'inquiétude me tirailla à nouveau. Quelles étaient les limites de ma transformation ? Je commençais à voir mes changements d'un autre point de vue, plus neuf. Malgré tout, la peur collait obstinément à ma peau, à mon cœur.