Chapitre 34-2 : Judithe

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Je suis assise sur une chaise en bois. Je balance mes jambes, j'attends. Je suis dans une pièce, toute seule. Tout est blanc. Le sol et les murs sont parcourus de câbles de la même couleur. Il y a des petites rangées sur le sol, et les murs sont en plastique transparent. 

Judithe m'a dit d'attendre là. Elle est très gentille, elle s'occupe très souvent de moi. Elle a un visage doux, et sourit tout le temps. Les autres ne comprennent pas, pourquoi moi je reste ici en permanence. La plupart des autres enfants viennent la journée. Le soir, leurs parents viennent les chercher. Moi on m'a dit que ma maman est toujours à l'hôpital depuis l'explosion. Ils m'ont dit qu'il y a eu une explosion. 

Elle a été gravement touchée, elle est dans un faux sommeil. Du coup, je ne peux pas la voir. Elle est dans un hôpital pour adultes, moi pour enfants. Les docteurs m'ont dit que j'avais été blessée. Et qu'ici on me soignait. Mais pas avec des médicaments, avec une autre technique. Plus... performante ? Je crois que c'est cela qu'il m'avait dit. 

Alors je ne sors jamais. Et nous n'avons pas tous les mêmes maladies, alors on a chacun un traitement spécial. Mes pieds se frottent, j'attends, je suis sage. Comme ça, j'aurai peut-être un nouveau jouet ! La porte s'ouvre. Mon regard glisse vers elle. Je m'attends à voir Judithe, mais c'est un docteur qui entre. 

Il est grand, c'est lui qui m'a expliqué tout ce qui allait se passer. Il s'avance vers moi, et j'aperçois Judithe derrière. Je lui fais un grand sourire, et elle me le rend. Le docteur s'approche et s'accroupit. Il me regarde dans les yeux et me prends les mains. Elles sont rappeuses. Ses grands yeux noisettes me fixent avec intensité.

– Tu as toujours tes yeux noirs, me murmure-t-il.

Je secoue vivement la tête. Mes yeux sont d'un noir très profond. Judithe m'a dit de me prévenir si l'un d'eux changeait de couleur. Elle m'a dit que ma maladie pourrait faire ça.

– Maman va mieux ? je demande avec une voix triste.

– Son état est stable. Elle va bien, ne t'inquiète pas. Mais pour ne pas tenter d'aggraver son cas, nous la laissons dormir pour l'instant, d'accord ? Tu lui ressembles beaucoup. Mais tu as les cheveux de ton papa.

On me le dit souvent. Que je ressemble à ma maman, mais que j'ai les cheveux de mon papa. Il connaît mon papa ?

– Mon papa est là ? je demande d'une voix pleine d'espoir.

Le docteur secoue la tête.

– Non, je suis désolé. Je l'ai connu il y a longtemps, ton papa. C'était... un homme très courageux, très gentil. Il vous aimait très fort, toi et ta maman.

Aimait ? Mon papa n'est plus là ? Je pense à voix haute, je m'en rend compte quand le docteur répond.

– Je t'avoue que je ne sais pas où il est. Je pense qu'il est toujours en vie. Amy, aujourd'hui nous allons commencer un nouveau traitement d'accord ? Judithe va te faire une toute petite piqûre, pour que tu ne sentes rien, d'accord ?

Je hoche la tête. Je n'aime pas les piqûres. Mais si comme ça je n'ai pas mal, je l'accepte. Judithe s'approche de moi et prend mon bras avec délicatesse.

– Tu es une fille très courageuse, me certifie-t-elle. Tu es très forte, d'accord ? Pense à ta maman quand on t'injectera le produit. Pense très fort à elle, pense à son visage. Et... pense aussi à ton papa.

Pendant qu'elle me parlait, elle m'avait fait la piqûre. Ça a picoté, mais je n'ai déjà plus mal. D'autres dames viennent vers moi. Elles me mettent des petits câbles sur mes bras, mes jambes, et quelque chose dans mon dos. Elles branchent tout ça par terre, et sortent de la pièce. Je balance toujours les jambes. Je me demande ce que ça va faire. Le siège sur lequel je suis tourne sur lui même, vers une grande vitre que je n'avais pas vu. Le docteur, Judithe et deux autres hommes m'observent. Je continue des petits balancements.

– Tu es prête ? demande Judithe, à travers la vitre.

Je hoche très vite la tête. Judithe à l'air inquiète. Ça ne lui ressemble pas. Le siège tourne encore une nouvelle fois, vers la gauche.

– Mets tes mains sur les accoudoirs, m'ordonne Judithe.

Je le fais. Elle me dit aussi d'arrêter de balancer mes jambes et de les poser sur les cales pieds. Je m'exécute. De petits morceaux de métal viennent attacher mes pieds et mes mains. Je commence à avoir peur. Je tourne la tête vers la vitre, mais je ne peux pas voir Judithe. Ma respiration s'accélère. Je veux demander ce qu'il se passe. 

Pourquoi on m'attache ? Je ne compte pas m'enfuir ! J'essaie de parler, mais ma langue est comme liée, elle ne bouge plus. Alors que je suis face au mur blanc, une nouvelle porte s'ouvre. Elle coulisse vers le haut. Alors, deux yeux rouges apparaissent dans le noir. Une créature énorme, semblable à une panthère, mais deux fois plus grosse avance. Elle marche tout doucement, et commence à tourner autour de moi. 

Je veux crier, m'enfuir, mais je n'y arrive pas. La peur me plaque contre le dos de mon siège, mes yeux restent grands ouverts. Je fixe la créature des yeux, qui me regarde aussi. Alors subitement, elle me montre ses crocs. 

Elle saute sur moi, et je hurle de toutes mes forces.

Je me réveillai en sursaut, presque en hurlant. Mon premier réflexe fut d'allumer la lampe de chevet. Mais avant que je ne puisse le faire, je remarquai que je voyais très bien sans. Les mains tremblantes, je touchai les coins de mes yeux. Mes mains frôlaient mes veines, qui ressortaient à cause du fluide. Je l'avais activé dans mon sommeil.

Je regardai frénétiquement autour de moi, cherchant la créature des yeux. Mais s'il y avait quoi que ce soit, je l'aurais déjà remarqué. Mon cœur battait la chamade, des larmes perlaient aux coins de mes yeux. Je les vis tomber sur les draps. Je jetai un coup d'œil à ma montre, et vis qu'il était trois heures du matin.
 Je bondis de mon lit, et enfilai rapidement une veste. Je dévalai les escaliers et me dirigeai vers les douches. 

Je manquai plusieurs fois de tomber, à cause de mes gestes brusques et imprécis. Je traversai les couloirs, ne faisant pas un bruit. J'atterris devant les douches, dans la salle d'eau. Ma mâchoire du bas tremblait, dans mon dos je sentais de la sueur ruisseler. Je me plaçai devant un miroir. 

Mes yeux étaient rouges, rouges comme le sang. Ils étaient grand ouverts, comme si j'étais stupéfaite. Ce qui était peut-être le cas. Je me tournai à moitié, enlevai ma veste et une partie de mon t-shirt. De mes cicatrices sortaient deux os blanc comme neige. Ils dépassaient de deux bons centimètre de mon dos. Je me mordis la lèvre, effrayée par moi-même. Ils avaient encore plus grandis. 

Comme si à chaque crise... Cela m'apparut soudainement comme une évidence. A chaque crise, mes os grandissaient toujours un peu plus. C'était bien plus flagrant. Je mis une main sur ma bouche, prête à crier. Mais... cela voulait dire que si j'empêchais les crises, ils ne grandiraient plus, non ? 

Ne rêve pas trop, me souffla ma conscience. Comme si tu pouvais soudainement tout maîtriser. Je posai mes mains sur le bord du lavabo, le serrant de toutes mes forces. Bon, d'abord, il fallait que je me calme. Ah. Oui, si je réussissais à arrêter le fluide, je m'évanouirais dans la salle d'eau. Je remis ma veste en vitesse, et courus vers ma chambre. Je l'ouvris en vitesse, refermai la porte et soufflai. 

Il ne restait plus qu'à me calmer maintenant. Je fis attention à ma respiration, inspirai et expirai. Ça ne marchait pas du tout. Je m'installai sur mon lit, essayant tant bien que mal de me concentrer sur les sensations. Les draps sous mes paumes, l'air frais provenant du bas de la porte. Je paniquais déjà moins. 

Des os poussaient de plus en plus dans mon dos. Bientôt, ils sortiraient. Peu importe, rien ne pouvait l'arrêter. Je sentais de nouveau la panique m'envahir, alors je pris mon téléphone et fouillai ma playlist. Hallelujah, cela me semblait parfait. Je fermai les yeux, et me laissai emporter par la mélodie. 

En moins de deux minutes, je perdis conscience.

Mutante - Tome 1Where stories live. Discover now